CARTE DU NORD DE L'ENTRE-DEUX

Voici l’une des cartes de l’Entre-Deux, terre neutre où Anges et Démons peuvent circuler à leur aise.

Cette carte du Nord de l'Entre-Deux montre les lieux qu'ont survolés les Anges ailés et leurs passagers pour parvenir aux Monts Lunaires. Ils sont partir de l'Ouest et ont bifurqué vers le Nord, planant au-dessus du Désert des Oubliés, puis de la Vallée aux Souvenirs. Ils ont fait une halte au cœur de la Forêt Aux Cèdres, puis survolé la Vallée du Quartier de Lune. Et, enfin, ils sont arrivés à destination, au pied des Monts Lunaires. Là, qu'ils ont trouvé l'entrée de la mine où est retenue captive Alma...

Chapitre 16.

 ANGELO ET MOI PARVENONS À NOUS EXTRAIRE DU ventre de la veine, vannés. Les Démons nous ont donné beaucoup de fil à retordre mais, finalement, on leur a mis la pâtée en beauté.

 J'ai récolté plusieurs bleus, une belle balafre sur la joue et une importante incision au bas-ventre : l'un des Démons m'a planté son couteau de boucher dans le bide. Après ça, je lui ai réglé son compte en personne avec une assez grande satisfaction, faut l’avouer.

 Depuis, ma blessure n'arrête pas de pisser le sang. S'il continue à couler à cette allure, bientôt, il ne m'en restera plus une goutte. Heureusement que Victoire a emporté un petit échantillon de nos potions miracles ! D'ici peu, je pourrais désinfecter mes plaies et presque retrouver peau neuve. Une fois que nous les aurons rejoints.      

Voilà maintenant une bonne heure que ma cousine, Alma et Adam se sont extirpés de cet enchevêtrement de tunnels. Où sont-ils allés se planquer ?

 Angelo n'est pas dans un super état non plus. Lui aussi est mal en point, blessé à la cuisse et à l'épaule gauche. Moins sérieusement que moi, toutefois. Bah ! on va sans doute survivre ! Comme toujours. J'aime à croire que nous sommes des durs à cuire, lui et moi.

 En sortant du souterrain, mon ami s'est aussitôt affalé sur le sol, juste devant l'entrée. Méprisant les ronces qui pendent un peu partout et qui ont même réussi à s'infiltrer dans les interstices de la roche sur laquelle il peut tout juste prendre appui. Et ce, à condition de se faire une petite place entre ces espèces de barbelés végétaux. Je lui demande alors, un peu inquiet de le voir si diminué :  

 — Ça va, mon pote ?

 Sa jambe le fait apparemment beaucoup souffrir ; Angelo n’en dira rien, mais je le sais. C’est pour cette raison qu’il n’a pas eu le courage d’attendre de trouver un endroit un peu plus accueillant et moins encombré pour se poser. Je le comprends, à vrai dire. Si la douleur que j’éprouve dans chaque fibre de mon corps n'était pas si insoutenable, si je n'avais pas autant peur de me plier pour m'asseoir et d'ouvrir encore plus la large plaie que je porte à l'abdomen, je me serais volontiers vautré à ses côtés dans la poussière. Quitte à me faire lacérer le dos par les nombreux et épais ronciers qui nous entourent. Au point où j'en suis !

 — Et toi, Stefano ? s'enquiert mon ami en levant la tête vers moi, croisant mon regard.

 Ses yeux scrutateurs s’attardent sur ma main qui appuie sur mon ventre depuis tout à l’heure et qui tente désespérément d'enrayer l'hémorragie.

 — Ta blessure me semble assez sérieuse. On devrait retrouver Victoire et les autres au plus vite et soigner cette entaille avant qu’elle ne s’aggrave.

 Inhalant une bonne goulée d'air, il essaye de se relever par ses propres moyens et je lui offre machinalement ma main libre pour lui faciliter la manœuvre. Au moment où je tire sur son bras pour l'aider à se remettre debout un cri affreux s’échappe de ma bouche.

 La douleur est si intense qu’elle se propage jusque dans mon crâne ; mon estomac se soulève, j’ai soudain une furieuse envie de vomir. Rien ne sort toutefois et j’en profite pour tenter de calmer le mal qui me ronge de l’intérieur en effectuant des exercices de respiration. Par chance, ma tentative désespérée fonctionne et je retrouve tant bien que mal mes esprits.

 Angelo et moi nous épaulons ensuite mutuellement et nous éloignons en clopinant de l'entrée de la mine. C'est à cet instant que nous repérerons les corps. Une dizaine. Des Démons et...

 — Nom de Dieu ! je vocifère.

 Lâchant Angelo, je me précipite vers nos compagnons étendus sur le sol poussiéreux poussé par une grosse montée d’adrénaline.

 Je me jette à terre à genoux, ma douleur totalement anesthésiée à présent, et me penche sur Richard le cœur tambourinant à tout rompre. Fébrilement, je tâte son cou à la base de la mâchoire à l’aide de mon index et de mon majeur pour trouver un pouls, mais rien... le néant ! l’Archer est bel et bien mort. Je procède de même pour Tom : idem. Avec peine, je me relève aussitôt et entreprends un tour d'horizon à la recherche de mon ami Luc. Je ne l'aperçois nulle part dans les environs et respire, légèrement tranquillisé.

 C'est bon signe ! me dis-je à moi-même. S’il n’est pas ici, c’est qu’il est encore en vie. Se pourrait-il qu’il ait trouvé le moyen de se cacher de ces foutus Démons ?

 Pendant que mon regard, submergé par des larmes qui n'arrivent pas à franchir le seuil de mes yeux, sonde avec avidité et froideur les alentours en quête de notre compagnon ailé rescapé, Angelo en profite pour se traîner comme une âme en peine jusqu'aux corps de Tom et Richard.

 Une fois leur décès constaté de ses propres yeux, il s'éloigne en clopinant, les épaules basses, dans la direction opposée et marque un arrêt, toujours dos à moi. Je vois son buste se secouer et se lever à plusieurs reprises et je me doute qu'il pleure. Je crois que c'est la première fois qu'Angelo se lâche comme ça devant moi.

 Il se ressaisit vite cependant et, retrouvant une deuxième force, entreprend avec frénésie de chercher Luc à son tour ; Luc son meilleur ami en ce monde. Avec moi, bien sûr.

 C’est alors qu’il se raidit, le visage encore plus blême qu’une minute avant, en songeant manifestement à la même chose à laquelle je pense en ce moment-même : Où sont Victoire, Adam et Alma dans tout ça ? Ont-ils retrouvé l’Archer ?

 Angelo se met alors à beugler le prénom de ma cousine en direction des montagnes un nombre incalculable de fois, se moquant ouvertement de savoir si quelqu'un peut ou non l'entendre. Il l'appelle au Nord, au Sud, à l'Est et à l'Ouest de notre position, tournant sur lui comme une girouette sur un toit poussée par la force du vent, faisant fi de ses blessures, oubliées pour l'occasion. J'en ai le tournis.           

 Fait écho par la suite au prénom de Victoire, celui de Luc, évidemment. D'Adam et d'Alma peu après. Mais aucune réponse ne lui parvient en retour.

 — Que fais-tu, mec ? je le rabroue, le rejoignant sans plus tarder et le tirant vers moi avec mon bras valide. Je crois que ce n’est pas le moment d'attirer l'attention sur nous. Si nos amis avaient été dans les parages, ils auraient répondu depuis longtemps. Victoire serait déjà venue à notre rencontre. Soit, ils sont déjà sur le chemin du retour. Ce qui me paraît peu probable ; ils ne seraient pas partis sans nous. Soit, ils se sont terrés beaucoup plus loin, hors de portée de nos voix. Ce qui me semble à exclure aussi étant donné l'état de santé fragile d'Alma. M’est avis qu'ils se sont malheureusement fait alpager par d'autres Démons à la sortie du tunnel. 

À cette annonce plus que plausible, Angelo se laisse choir sur le sol une nouvelle fois, abandonnant soudain tout espoir. Je partage son désarroi.

 — C'est notre faute ! lance-t-il soudain levant un visage baigné de larmes vers moi. Nous les avons condamnés : Tom, Richard, et les autres… lorsque nous avons décidé de ne pas secourir nos amis Archers. Puis, en obligeant Victoire, Adam et Alma, à faire cavaliers seuls. Nous aurions dû les accompagner. Nous aurions dû...

 — Mais oui, c'est ça ! je crache soudain, furax. Et qui se serait occupé des barges qui nous pourchassaient dans les souterrains et qui s'étaient passé le mot pour nous buter jusqu'au dernier ? Ne dis pas n'importe quoi, Angelo ! On n'est pas responsable. Et s'il faut un fautif, ce n'est certainement pas toi. J'ai pris la décision le premier de poursuivre notre mission dans la veine. Et j'ai décrété aussi qu'il valait mieux que Vic et Adam conduisent notre ancêtre en sécurité...           

 — OK, ça va, j'ai compris, tu as raison ! me coupe-t-il pour que j’arrête à mon tour de me flageller.

 — Le point positif, mon ami, c'est qu'ils sont encore en vie ; j'en mets ma main à couper.

 — Je le pense aussi, approuve-t-il contre toute attente.

 Je connais Angelo depuis notre plus tendre enfance et il arrive encore à m’épater : plus rationnel que lui, je ne connais pas !

 — Si nos ennemis avaient voulu les tuer, poursuit sur sa lancée mon ami Protecteur, ils tiendraient compagnie à Tom et Richard. Mais où sont-ils, dans ce cas ?

 — Très bonne question ! je réponds, n'en n'ayant pas la moindre idée.

 — Que fait-on à ton avis, Stefano ? On se lance à leur recherche ou bien… ?        

— Tu sais où ils ont été emmenés, toi ? je réplique malgré moi un peu acide. Parce que moi, non ! Et si tu veux pas que je crève ici à mon tour, je crois qu'il serait préférable qu'on rentre vite à Caelum. En espérant que je tienne le coup jusque-là ! Et c’est pas gagné. Parce que tu vois, là, tout de suite, je ne suis pas au top de ma forme. Surtout qu'on n’a plus personne pour nous transporter et que ça va être pas mal compliqué pour moi, et pour toi aussi en outre, de nous taper tout le trajet à pied.

 Je sens d’ailleurs que la fièvre a déjà commencé à me rattraper en prononçant ces mots : je grelotte et transpire à grosses gouttes. Nauséeux, j'ai tout à coup l'impression que des milliers de fourmis me picotent jusqu'à la plus petite parcelle de mon corps meurtri. 

 Angelo se rend compte qu'en effet quelque chose cloche, que je ne suis pas dans mon état normal. Mon teint est sûrement devenu livide, et des larmes de sueur perlent sur mon front et le long de mes joues.

 Soudain, je le vois se jeter sur moi pour me soutenir, au moment même où je bascule dans le néant.

 

 Lorsque je rouvre les paupières, le visage d'Angelo est penché sur moi, à une vingtaine de centimètres seulement du mien.

 — Hé ! Comment vas-tu, mon pote ? aboie-t-il visiblement content de me voir émerger.

 — Euh... Laisse-moi réfléchir... Vivant ? Alors pas la peine de gueuler si fort, je suis pas sourd !

 Il se redresse en ajoutant, levant un sourcil, un petit sourire en coin :

 — C'est clair que si tu te sens capable de balancer des commentaires aussi pourris, tu ne dois pas être à l'article de la mort non plus.

 — C'est ça ! C'est pas toi qui a un trou béant dans l'estomac… À ce propos… J'ai été dans les vapes longtemps ?

 Je me hisse en position assise grimaçant légèrement sous l'effort. Et Angelo m'aide à m'appuyer contre un rocher non loin, faisant complètement abstraction de la végétation. C'est à ce moment-là que je me rends compte que la douleur semble... supportable. Elle paraît même avoir pratiquement disparue. Étrange ! Je soulève ma chemise ; j'ai un bandage qui me ceinture l'abdomen. Je regarde mon ami, interloqué, et hausse les sourcils, dubitatif.

 — Tu m'expliques ?

 Il me sourit et je m'impatiente.

 — Tu es resté inconscient une bonne demi-heure, me raconte-t-il. Ce qui m'a permis de te soigner sans t'entendre râler et te lamenter comme une fillette. D'ici quelques jours, tu ne souffriras plus. Tu es sorti d'affaire.

 — C'est bon à savoir ! dis-je, sincère, faisant la moue. Mais... qu'est-ce que tu veux dire par, "soigner" ? Avec quoi ?

 — Par chance, j’ai réussi à mettre la main sur quelques médocs, figure-toi. Enfin... si on peut appeler ainsi les potions, philtres, huiles, essences et crèmes fabriqués par tes soins, ceux d'Anémone, de Victoire et autres botanistes virtuoses.

 — Qu'est-ce que tu me chantes ? Je croyais que Vic s'était volatilisée avec la trousse de secours.

 — Exact, acquiesce-t-il. Seulement, en cherchant partout de l'eau potable dans les sacs à dos éparpillés de nos amis Archers, j'ai déniché un trésor encore plus précieux : une autre boîte à pharmacie : celle de Luc. Je me suis alors souvenu que c'était devenu une obsession chez lui de ne plus s'aventurer nulle part sans prendre sa trousse de secours. Cette manie date de l'histoire avec Victoire. Quand elle a été attaquée dans l'Entre-Deux par les Serviteurs du Malin. Tu te rappelles ?

 Je hoche la tête.

 Si je m'en souviens ? Bien sûr ! Comme si c'était hier.

 — Ce jour-là, continue-t-il, Luc n'a pas pu la soigner correctement parce qu'il n'avait pas le nécessaire sur lui. Il s'est juré, à l'époque, qu'il n'aurait plus ce genre de problème.

 Je confirme par un sourire nostalgique, me remémorant très bien l'anecdote. C'est possible d'avoir autant de chance ? Puis, je me remets de mes émotions et conclus :

 — Eh bien, remercions ce brave Luc d'avoir été si prévoyant ; il vient de nous sauver les miches. Merci, mon pote ! je crie en m'adressant à mon tour aux montagnes, me moquant d'être ou non perçu de nos ennemis démoniaques. On te retrouvera ! On vous retrouvera tous ! Même si pour ça, on doit remuer Ciel et Terre !

 Angelo me scrute, approuvant d'un signe de tête, le visage défait, tourné vers les Monts Lunaires. Une absolue inquiétude se lit dans ses yeux. Inquiétude que je partage à cent pour cent.

 Où donc les Démons ont-ils emporté nos compagnons ? Quel chemin ont-ils emprunté ? Voilà, à coup sûr, ce qu'il se demande ! Car je me pose exactement les mêmes questions.

 Je tente de le rassurer, me voulant optimiste (ou est-ce que j'essaye de me tranquilliser moi ?) :

 — Ne t'en fais pas, va ! On la récupérera, ta moitié. Et en un seul morceau !

 

À suivre...

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