Voici un autre extrait tiré de ma toute première comédie romantique. Je vous en souhaite bonne lecture.

 

... — Hé ! Salut, Rosie. Merci pour l’invitation. Tiens !

Ambre pénètre dans le vestibule suivie d’Érin, me plante une bise sur la joue, et me fourre dans les mains une bonne bouteille de Bordeaux et un paquet de gressins à l’ail et aux herbes. 

— Les enfants sont là ? s’enquiert-elle sans me laisser le temps de la remercier, les cherchant du regard tout en suspendant sa veste en cuir sur le porte-manteau fixé sur le mur juste devant elle.

Elle prend ensuite la direction du salon et je réponds en haussant le ton pour qu’elle m’entende, un grand sourire aux lèvres :

— Sûrement là-haut, dans leur chambre, finissant leurs devoirs.

Ça y est ! Mes deux amies passent la porte et je me sens déjà nettement mieux. La positivité d’Ambre est définitivement contagieuse. C’est un véritable rayon de soleil !

Je ferme le battant et me tourne vers Érin, que je prends dans mes bras et embrasse sur les deux joues.

— Je suis heureuse que vous ayez pu venir, je lui avoue, un palpable soulagement dans la voix. J’ai du lourd à vous raconter.

Érin comprend aussitôt à quoi, et à qui surtout, je me réfère et lève les yeux au ciel en faisant la grimace. Ça commence bien ! Elle se défait de sa veste en jean en me regardant du coin de l’œil, intriguée. Et je l’invite à passer dans la salle à manger où sa joviale compagne nous attend déjà. Tout en l’escortant, j’ajoute tout bas à son oreille à mes risques et périls :

— Je vais avoir besoin de tes conseils avisés en urgence. C’est de la grosse artillerie, cette fois !

— J’ai bien compris, oui. Qu’est-ce qu’il a encore fait mon monsieur-balai-dans-le-cul préféré ?

Tout à coup, Érin s’arrête net, me prend fermement les épaules, plisse les yeux et sonde les miens avec intensité en fronçant les sourcils. Comme lorsqu’elle essaie de percer le fond des pensées de ses interlocuteurs. Je déteste quand elle fait ça.

— Putain d’merde, Rosie ! lance-t-elle soudain avec son tact habituel, me faisant sursauter, vu que je m’étais un peu perdue dans l’émeraude de ses beaux yeux hypnotiques. Ne me dis pas qu’il te plaît, cet abruti ?

Quoi !? Elle est folle ! Je ne lui ai encore rien dit et elle en conclut que j’ai ce sale type dans le collimateur ! C’est quand même extraordinaire !

Comment Érin peut-elle me demander une telle chose ? Ne serait-ce même que l’envisager ? Elle a des dons de voyance et elle voit le futur ? Parce que là, moi, à part attester que Maximilien-je-me-la-pète m’insupporte, je suis bien incapable de dire, à cet instant précis, s’il pourrait m’inspirer assez de sympathie un jour pour m’amener à ressentir d’éventuels sentiments amoureux envers sa personne. Et voici que ma meilleure amie me jette à la figure si j’ai de l’intérêt pour ce mec !

Sans perdre une minute, je m’empresse de lui faire savoir oralement que sa question me scandalise au plus haut point.

— T’es malade ! Qu’est-ce que tu vas chercher !

Brusquement, Érin me fait les gros yeux et je sens soudain une présence derrière moi. Je comprends aussitôt le message. Je tourne les talons, un sourire hypocrite fiché sur le visage.

Mon fils, à quelques centimètres de moi, un bol de chips dans une main, une énorme chips dans l’autre, qu’il enfourne aussitôt dans sa bouche la mastiquant bruyamment, nous observe Érin et moi d’un œil suspicieux, un sourcil levé. Je me demande toujours où il met toute la nourriture qu’il avale en dehors des repas. Lui qui est si menu, avec ses longues jambes de sauterelles !

— C’est qui monsieur-balai-dans-le-cul, maman ? m’interroge-t-il le plus innocemment du monde, plantant ses beaux yeux marron chocolat dans les miens.

Je me racle la gorge mal à l’aise. J’ai l’impression d’avoir été prise en flagrant délit de je ne sais quoi.

— Euh…

— Hey ! Coucou, Sam ! lance aussitôt Ambre venant à ma rescousse en s’approchant de lui. T’as encore grandi, toi, non ?

Merci Ambre ! Je te le revaudrai !

Son intervention me laisse quelques secondes pour me remettre de mes émotions et reprendre contenance devant progéniture.

— Bonjour, Ambre ! Bonjour, Érin ! répond Sam d’une politesse exemplaire, le sourire jusqu’aux oreilles tant il a l’air heureux de les avoir à la maison.

Bon, au moins, il est à moitié bien élevé, ce gosse ! clame mon for intérieur. Je n’ai pas tout loupé, vraisemblablement.

Avec la nonchalance de tous les ados et toujours son bol de chips greffé dans la main, Sami s’approche des filles et les embrasse. Puis, il se rabat à nouveau sur moi, affichant un visage impassible. Il me scrute, inquisiteur, attendant une réponse à sa question de tout à l’heure.

Hum ! Il ne perd pas le nord, le saligaud !

Voilà le résultat quand l’on apprend à ses enfants à être persévérants. À ne jamais abandonner avant d’avoir obtenu gain de cause.

— Personne ! je me hâte de rétorquer, toujours embarrassée. Un type, au boulot. Et ne parle pas ainsi ! Je t’interdis de dire des grossièretés dans cette maison !

— Pourquoi ? me répond aussi sec l’effronté. Elle en dit bien, Érin ! Et pas qu’un peu !

Il ricane et j’entends Ambre étouffer un petit rire à son tour. Je la fusille du regard.

— Parce que c’est comme ça ! Voilà pourquoi ! je réplique en affrontant cette fois le regard de mon Sami.

Ouais, OK ! je vous le concède, ma réponse n’est pas très recherchée. Mais qu’est-ce qu’ils peuvent être chiants, ces gamins, avec leurs questions à la noix ! Et patati et patata… Et pourquoi ceci ? Et pourquoi cela ?... Et pourquoi pas, d’abord !

— Ça n’a rien à voir ! Érin est une adulte… j’ajoute, m’empêtrant davantage.

— Ah, d’accord ! surenchérit à nouveau mon fils qui a oublié d’être idiot. Si je te suis bien, quand je serai adulte, je pourrai dire autant de gros mots que je veux, c’est ça ?

Petit con, va ! je pense très fort. Continue à faire le malin avec ta mère et tu vas voir un peu ! 

— Euh… non, je lui réponds. Ce n’est pas ce que je voulais dire. Ce que je dis, c’est que… oh, et puis, zut ! T’as pas à écouter les conversations des grandes personnes. T’as fini tes devoirs ? J’aboie, ce coup-ci.

— Yep ! J’peux jouer à la Play maintenant, S.T.P ?

— S.T.P ? Et qu’est-ce que ça veut dire, ça ? je demande, exaspérée.

— Ben… s’il te plaît ! répond-il en grimaçant et en haussant les épaules comme si c’était l’évidence même.

Je lève les yeux au ciel. Les jeunes actuels ! Même plus foutus de parler correctement ! Plus ça va, plus ils s’adressent à leurs interlocuteurs sous forme de rébus et de mimes. M.D.R. pour : mort de rire. T. G. pour : ta gueule. (J’ai appris ça, il y a peu.) Et maintenant, S.T.P... Et puis quoi, encore ! Bientôt, nous devrons recourir à des scientifiques spécialistes en déchiffrage de codes secrets, ou à des ingénieurs experts de la NASA, pour pouvoir décoder leurs dialogues !

Néanmoins soulagée de pouvoir avoir un petit instant de tranquillité avec mes copines, je riposte avec douceur, tout à fait calmée à présent :

— Pas longtemps alors, mon chéri. Le temps que je finisse le repas.

Faut bien feindre de taper du poing sur la table devant descendance, non ? Sinon, comment comprendrait-elle qui est le boss ?

— YES ! Merci, m’man ! rétorque-t-il, ne pouvant refréner ce petit sourire victorieux que je lui connais si bien.

Il est tellement craquant quand il sourit, avec ses deux fossettes qui lui creusent les joues, qu’on lui donnerait le bon Dieu sans confession. Il se tourne ensuite vers Ambre, la suppliant du regard.

— Tu joues avec moi, tata ?

Depuis sa petite enfance, Sam a pris l’habitude d’appeler Érin, tata. Et quand Ambre a débarqué dans sa vie, elle y a eu droit aussi. Même si elles et moi n’avons aucun lien de parenté, ce sont les seules tantes que je ne pourrai jamais offrir à mes enfants. Je suis fille unique. Et, heureusement pour tout le monde, ils en sont fous ! (Mia et Samuel ont bien trois vraies tantes du côté paternel, mais ils ne les voient pas très souvent. Pas aussi fréquemment qu’ils côtoient Érin et Ambre, j’entends.)

— Avec plaisir, mon grand ! réplique-t-elle, ravie.

— Avant, Sami, monte dire à Mia que nos invitées sont là, s’il te plaît ! Je suis étonnée qu’elle n’ait pas encore montré son joli minois. Elle doit encore avoir ses fichus écouteurs sur les oreilles.

— Bien sûr, m’man ! me lance mon fils, conciliant, s’exécutant aussitôt.

Hum… Pas normal qu’il soit aussi accommodant, je pense tout à coup, méfiante.

D’ordinaire, je suis obligée de lui demander plusieurs fois avant qu’il se décide à obtempérer. Samuel réagit rarement au quart de tour comme ça. Surtout quand il est occupé à autre chose. Qu’est-ce que ça cache ? 

Je le vois se précipiter sur les marches de l’escalier à deux pas et les escalader à la vitesse de l’éclair. Peut-être est-il tout simplement pressé de se débarrasser de cette corvée pour aller s’amuser avec sa tante ? Je me détends sous l’effet de cette idée, pour me tendre comme la corde d’un arc la seconde suivante en songeant qu’il a peut-être tout bonnement envie d’aller enquiquiner sa sœur (ainsi qu’il prend plaisir à le faire ces derniers temps, elle qui tombe systématiquement à pieds joints dans ses moqueries), alors je lui crie :

— Et n’oublie pas de frapper à sa…

Mais je n’ai pas le temps de finir ma phrase que j’entends déjà Mia hurler :

— Non, mais, ça va pas, non ? SAAAMIII !!! On t’a pas appris à frapper avant d’entrer, espèce de troll ? Tu m’as foutu la trouille ! Dégage de ma chambre avant que j’te claque, merdeux !

Un grand soupir, deux grommellements et un claquage de porte plus tard, je prends momentanément congé de mes amies pour foncer régler le problème. Quelques minutes après, je redescends, précédée d’un Sam penaud et d’une Mia boudeuse.

Quand ma fille aperçoit ses tantes toutefois, son visage se radoucit et s’illumine instantanément, faisant s’envoler sa mauvaise humeur. Leurs caractères se ressemblent. Elles sont toutes les trois extraverties, le sourire toujours aux lèvres. La plupart du temps, en tout cas. Un peu folles sur les bords, quoi ! (Et les bords sont larges !) Aussi, comme à l’accoutumée, les embrassades se terminent en chahut.

À regret, pourtant, Mia abandonne ses tantes très vite ensuite pour aller terminer ses devoirs et pouvoir profiter sereinement d’elles le reste de la soirée.

Si ma fille est particulièrement heureuse de s’amuser dès qu’elle en a l’occasion, elle est aussi d’un sérieux exemplaire concernant ses études. Mia est en Première L au lycée Ernest Hemingway de Plounéac. C’est une jeune fille intelligente et autonome. (Et je ne dis pas ça parce que c’est ma fille.) Bien sûr, elle a ses mauvais jours, comme tous les jeunes de son âge. Mais ils sont si peu nombreux que, franchement, je ne me formalise pas lorsqu’elle pète une durite.

Côté physique, Mia me ressemble beaucoup. Si ce n’est ses cheveux bouclés, ses deux centimètres supplémentaires et ses quelques kilos en moins.

Je profite qu’Ambre se dévoue pour aller jouer à la PlayStation avec Sam dans la pièce qui sert de salon-salle à manger-cuisine, pour embarquer ma meilleure amie à l’autre extrémité, dans le coin cuisine.

La pièce à vivre est une gigantesque pièce, très aérée, où la salle à manger s’ouvre sur le salon, installé en contrebas et séparé de la salle par seulement trois marches. La cuisine, elle, est cloisonnée du reste par un long comptoir où les enfants et moi prenons notre petit-déjeuner tous les matins, perchés sur des tabourets en bois. On y mange, à l’occasion, mais c’est rare. En revanche, lorsque j’ai des invités, et c’est devenu une tradition, j’y sers toujours l’apéritif.

Tout en m’affairant autour des derniers préparatifs du dîner, je raconte à Érin ma mésaventure du matin.

— Alors, t’en penses quoi ? je l’interroge, une fois mon récit terminé, pendue à ses lèvres.

— Que t’es dans la merde jusqu’au cou, ma vieille !

— Ah, bon, tu crois ?

— Ah, bon, tu crois ? me singe-t-elle, moqueuse. Arrête de faire ta maligne, Rosie ! Je suis sûre que ce mec te plaît.

— Je te dis que non ! je jette, sur la défensive.

— Et moi, j’te dis que si ! Sinon, t’en aurais rien à cirer de ce qu’il pense de toi. Tu n’essaierais pas d’interpréter ses faits et gestes. Et tu ne te triturerais pas autant les méninges, non plus.

— On est où là, dans la cour de mon lycée ?

Ma fille vient de faire son entrée dans la cuisine et nous toise Érin et moi des pieds à la tête, les mains sur les hanches.

C’est du délire ! Qu’est-ce qu’ils ont mes enfants à se trouver toujours où (et quand) on les attend le moins ?

— Vous vous disputez pour quoi ? insiste-t-elle. On dirait deux ados attardées.

Mia nous regarde, tour à tour, de ses belles prunelles couleur noisette.

— On ne se dispute pas, je lance un peu trop vivement. On discute, c’est tout.

— Ta mère en pince pour un client à la boulangerie, lâche Érin, faisant un clin d’œil à ma fille. Sauf qu’elle ne le sait pas encore.

Je sens mes joues s’enflammer et je nie tout en bloc.

— Ne l’écoute pas, ma puce. C’est totalement faux.

— Ah, bon ! Et c’est qui ce type ? demande ma fille en haussant les sourcils à plusieurs reprises, un sourire aux lèvres, sans même faire cas de mes mots exprimés avec tant de véhémence.

Suis la femme invisible, ou quoi ? C’est qui sa mère à cette petite ingrate, Érin ou moi ? C’est quand même fort de café, une telle attitude envers sa génitrice !

— Il est mignon ? continue Mia s’adressant à ma meilleure amie et faisant toujours abstraction de ma présence.

— Selon ta mère, il est plutôt canon. Seulement, le hic, c’est que c’est un con fini.

Érin me lance un sourire de défi.

Mia a tort sur toute la ligne : on n’est pas au lycée, on est à la maternelle ! Et dire que j’ai en face de moi l’une des psychothérapeutes les plus renommées de la région !

— Oui, c’est un abruti notoire et je le déteste. Plutôt me faire hara-kiri que sortir avec un mec tel que lui. Satisfaites ?

— Hé, mais t’as raison, Érin, il lui plaît vraiment ! lance Mia en me scannant méthodiquement de pied en cap.

— Un peu, mon n’veux ! lui répond celle qui se prétend ma meilleure amie. (Traîtresse !)

— Et lui, de son côté ? interroge Mia, très intéressée. Y’a moyen ou pas ?

— MIA LAMBERT ! je hurle, la moutarde me montant au nez, rouge comme une pivoine.

— Ben, c’est justement ce qu’on essaie de dépatouiller, lui répond Érin, passant outre ma pseudo-crise de colère.

— Allez-y, continuez ! j’enrage de plus belle. Faites comme si je n’étais pas là !

Je m’adresse ensuite théâtralement à ma fille, faussement désabusée, histoire de la faire culpabiliser un minimum :

— Et toi, tu préfères la croire, elle, plutôt que ta pauvre mère ?

Suis vraiment une mère indigne !

— Ben, ouais ! qu’elle réplique sans vergogne. C’est elle la psy, non ? Et ne fais pas ta victime, m’man, ça ne te va pas du tout.

Sur ce, elle tourne les talons en ajoutant :

— Je vais mettre la table. On mange bientôt ? J’ai la dalle, moi !

Non, mais, je rêve ! On ne peut même plus compter sur le soutien de ses enfants. Ceux qu’on a tant peiné à mettre au monde. Sa chair et son sang. Ce que ça peut être ingrat, ces p’tites bêtes !

Érin débouche la bouteille de vin offerte par Ambre et nous sert deux verres.

— Fais pas la gueule ! me prie-t-elle en levant son verre pour trinquer. Tu sais que j’aime te taquiner.

— Mouais, je sais, je lui réponds, me rassérénant. (Érin et moi ne restons jamais fâchées très longtemps.) Quand même, tu charries d’en avoir parlé à Mia. T’es au courant qu’elle n’a pas encore dix-sept ans !

— Et alors ? Ce n’est plus une petite fille. De quoi crois-tu qu’elle parle avec ses copines au lycée, hormis de chiffons, maquillages, groupes de musique et autre ? De mecs, ma poule ! Ou de nanas, pour celles qui ne s’intéressent pas à la première catégorie. Bon, sérieusement, ma Rosie ! Pour en revenir à l’attitude de ton Le Guen ce matin…

  • Ce n’est pas mon Le Guen.

— Oui, bon, peu importe… J’ai deux options potentielles que je vais te donner.

— D’accord… je réponds en égouttant les tagliatelles. Vas-y, je suis tout ouïe.

— Primo, commence-t-elle, tu ne le laisses pas indifférent. Ça expliquerait son besoin incontrôlé de toucher tes cheveux ou autres parties de ton anatomie. Pupilles dilatées, envie d’un rapprochement physique… Autant de signes qui peuvent montrer que tu l’intéresses.

— Je n’ai jamais dit qu’il avait les pupilles dilatées, je rectifie pour la forme. Et il n’a jamais touché d’autres parties de mon…

Érin me fait les gros yeux, m’intimant au silence et je capitule : je me tais.

— Oui, enfin… pas encore, du moins ! corrige-t-elle en souriant. Secundo, poursuit-elle, levant un doigt au ciel, il a voulu éviter que tu te ridiculises une fois de plus devant les autres clients et t’a enlevé ces cristaux de sucre de tes cheveux par pure gentillesse. Or, petit bémol concernant ce cas-ci…

— Lequel ?

Je suis pendue à ses lèvres.

— Eh bien, le tableau du mec aimable et serviable ne cadre pas avec la description que tu m’as faite du type en question. Donc, on en revient à…

— La première option : il est séduit.

— Yes, m’dame !

— Oh, merde !

Mon cerveau bouillonne. Serait-il possible que Maximilien-je-me-la-pète-Le-Guen s’intéresse réellement à moi ?

*

Après un verre de vin et deux apéros pris sur le comptoir de la cuisine, nous sommes enfin passés à table. Bien sûr, les pâtes étaient froides et j’ai dû les réchauffer au micro-ondes. Ce qui ne les a pas empêchées d’être délicieuses. Ambre et Sam se sont resservis deux fois au cours du repas.

Tout le monde a beaucoup apprécié le dessert également. Le tiramisu aux framboises n’a pas résisté aux gourmands.

Les enfants sont montés se coucher vers 21 h 30. Érin, Ambre et moi sommes restées seules à table à discuter, tout en sirotant notre café, accompagné d’un petit digestif. Et l’histoire de Maximilien Le Guen est naturellement revenue sur le tapis.

— Et s’il me propose un rencart et que je lui dis non ? Je réfléchis tout haut. Vous imaginez un peu le malaise ? Je ne saurai plus où me mettre ensuite, lorsqu’il poussera à nouveau la porte de la boulangerie.

— Eh ben, dis-lui oui, alors ! en conclut Érin en jouant avec sa petite cuillère.

— Si je peux me permettre, Rosie, surenchérit Ambre. Ça ne peut pas être pire que d’habitude. Que je sache, tu perds déjà tes moyens quand il apparaît devant toi. Dans le cas où tu le repousserais, tu seras toujours aussi mal à l’aise, mais pas pour les mêmes

raisons, voilà tout ! Rien n’aura vraiment changé en somme.

— Très juste ! rétorque Érin, félicitant sa moitié. Et puis, je te le répète, tu as encore l’autre option à étudier. Si tu vois où je veux en venir.

— Je te signale que tu m’as expressément déconseillé de me tourner vers ce genre de mec, je réponds, déconcertée qu’Érin ose même y penser. Faudrait savoir !

— C’est vrai. Mais je ne te suggère pas de l’épouser, non plus ! Juste de t’envoyer une ou deux fois en l’air avec lui et… Adios, amigo !

— Ah, carrément !

Je suis scandalisée.

— C’est quoi ces conseils à la noix ?

— Si jamais, et je dis bien si jamais il te propose de sortir avec lui un soir, continue Érin sur la lancée, tu acceptes et puis c’est tout ! C’est un beau morceau, c’est toi qui l’as dit. Qu’est-ce que t’en as à foutre que ce soit le roi des cons ?

Un « beau morceau » ? On est chez le boucher maintenant ?

Pour le coup, elle y va un peu fort, la mère Érin ! Je ne m’apprête pas à choisir le plus appétissant quartier de viande de l’étal. Si ?

— Je suis entièrement d’accord ! approuve Ambre. Le contraire m’aurait étonné. Beaucoup de mecs font ça. Ils draguent une femme, la mettent dans leur lit et la bazardent ensuite comme un vulgaire mouchoir jetable. Pourquoi les femmes ne pourraient-elles pas faire pareil ? Et puis, si ça se trouve, il a peut-être prévu la même chose te concernant une fois qu’il aura réussi à te mettre le grappin dessus ? N’est-ce pas un juste retour de bâton ? Moi, je dis : anticipation, ma belle ! Anticipation !

Mais qu’est-ce que ça veut dire, ça, « anticipation » ? N’importe quoi ! Me croient-elles désespérée au point de me jeter sur le premier venu ?

— Ça ne te ferait pas de mal de prendre un peu de bon temps, poursuit Ambre, sûre d’elle. Tu sors une fois avec, tu t’octroies une bonne partie de jambes en l’air et tu te débarrasses de lui ensuite. Rien de bien compliqué. Depuis combien de temps n’as-tu pas fait crac boum hue, Rosie ?

— Un milliard d’années ! répond Érin à ma place.

— Vous avez complètement craqué, ma parole ! je les interromps avant que la conversation ne dégénère plus avant. Et toi ! (Je m’adresse à ma pseudo meilleure amie.) Qui t’as permis de parler à tort et à travers de ma vie sexuelle ?

C’est bien ce que je craignais, elles me considèrent vraiment comme une pauvre fille aux abois. 

— Et puis, vous avez oublié qu’on parle du prof de maths de mon fils. Très important détail. Bravo, Rosie ! Et s’il apprend que je suis la mère de Samuel ?

— Et alors ? rétorque Ambre sans se démonter. Je ne vois pas où est le problème. Vous êtes adultes, non ? Qui empêche deux adultes consentants de se faire du bien ?

Voyant que je suis sur le point d’exploser – j’ai commencé à transpirer et à virer au pourpre – Érin tente de calmer tant bien que mal le jeu.

— De toute façon, Rosie, on ne fait que spéculer. Rien ne dit qu’il va t’inviter à sortir. Si ça se trouve, il ne te trouve même pas à son goût. Le mieux, c’est que tu continues comme si de rien n’était et que tu laisses couler les choses. Je suis sûre que s’il ressent l’envie d’aller plus loin avec toi, il se manifestera. Et, le moment venu, tu sauras quoi faire.

— Oh, mais je le sais déjà parfaitement. Je l’enverrai bouler, un point c’est tout ! Ce gars est insupportable ! Je ne pourrais jamais sortir avec un type que j’ai constamment envie d’étrangler, alors que je ne le vois à peine que quelques minutes par jour. Je ne suis pas du genre à me faire sauter par n’importe qui. C’est clair ? Même si ça fait plus d’un an que ça ne m’est pas arrivé.

Et toc !

         Je ne m’attendais pas à ce qu’Érin et Ambre me prodiguent de tels conseils. J’étais certaine qu’elles allaient me suggérer de décourager monsieur-je-me-crois-plus-fort-que-les-autres si jamais il tentait quoi que ce soit d’autre à l’avenir. Maintenant, je suis encore plus perdue qu’en début de soirée. Érin aurait-elle vu juste et me plairait-il vraiment, d’où la raison de mon hésitation de tout à l’heure ?

— Tu sais, Rosie, lance tout à coup Ambre, l’œil noir, sur un ton de conspiratrice sur le point de préparer un mauvais coup.

Oh, non ! Qu’est-ce qu’elle va me conseiller encore ? J’ai tellement peur, que je retiens ma respiration.

— T’es au courant que j’ai des amis dans la police, n’est-ce pas ?

J’acquiesce, me dégonflant comme une grosse baudruche après avoir expiré tout mon soûl. Je me demande où elle veut en venir.

— Si tu veux, je peux leur demander d’entreprendre des recherches sur ce type. Discrétos… ajoute-t-elle en me faisant un clin d’œil. Tu sauras alors s’il est réglo ou pas. Qu’est-ce que t’en penses ? Ça pourrait t’aider à te décider, non ? Et puis qui sait ce qu’on pourrait découvrir sur lui ! C’est mieux de savoir à qui tu as affaire. Non ?

Elle est mignonne !

Décidément ! Quand je dis que j’aurai tout entendu ce soir, je crois que je ne suis pas loin du compte ! Bientôt, elle va me dire qu’elle connaît un gars qui connaît un gars qui pourrait, si je le souhaitais, poser des micros chez lui. Et pourquoi pas des caméras aussi ?

Pourtant, je suis à deux doigts d’approuver sa proposition. (Je suis grave, quand même !) Au moins – et bien que je n’accepterai évidemment aucune invitation venant de Maximilien Le Guen – avec d’éventuels renseignements glanés par-ci par-là sur lui en ma possession, sur sa vie, je pourrais avoir une longueur d’avance. Ces infos pourraient m’aider à mieux cerner le personnage. Après tout, savoir qui est réellement le prof de maths de mon Sami, s’il est fiable ou pas, est légitime, non ?

Mouais… je vous l’accorde ! Il ne s’agit ni plus ni moins que du voyeurisme. Une ingérence malsaine et pas correcte dans sa vie privée. Mais bon… ne dit-on pas, à la guerre comme à la guerre ?

Sauf qu’on n’est pas en guerre, là ! je pense, me ressaisissant. Suis à la masse ou quoi ? 

Je me tourne vers Érin pour l’interroger du regard. Elle se contente de hausser les épaules et me sourit.

— C’est toi qui vois, ma poule.

Ce qui ne m’aide pas du tout.

— Euh… je te remercie beaucoup, Ambre, je réponds à ma deuxième meilleure amie. C’est une option intéressante, mais je vais la décliner. Ce serait assez incorrect de ma part de fouiller ainsi dans sa vie, sans son accord.

— Ça te coûte quoi d’y réfléchir ? insiste Ambre ne comprenant pas mon refus. De toute façon, qui le saura ? Pas lui, en tout cas.

Moi, je le saurai !

Hum ! Très particulier son sens de l’éthique à cette chère Ambre ! Je vais mettre ça sur le compte des quatre digeos qu’elle s’est enfilés en moins d’une heure. Je devrais lui en toucher tout de même un ou deux mots, en passant, un de ces jours. Lorsqu’elle sera à nouveau saine d’esprit. Et sobre.

— Bon, OK ! Je te jure de considérer la question, je réplique devant son air penaud pour clore le sujet et passer à autre chose.

Surtout, je veux qu’elle me fiche la paix avec ses idées farfelues. Parce que ma décision est prise : je ne m’abaisserai pas à de telles bassesses.

— Super ! rétorque Ambre tout sourire, convaincue que je vais sérieusement y songer. D’autant que ça pourrait t’aider ! Quand tu te seras décidée, appelle-moi ! Sache que je n’ai qu’un coup de fil à passer et tu auras tes renseignements dans les jours qui suivent.

Oui… Une longue, trèèès longue, discussion sur ce qui est bien ou mal.

Si vous souhaitez connaître la suite, n'hésitez pas à vous procurer le roman. Vous le trouverez en format broché pour 9,36€ et en ebook pour 3,69€ sur Amazon.

 

Bien à vous

L. Carmen


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