Quels sont les romans qui ont contribué à nourrir ma passion pour la littérature de mon plus jeune âge à maintenant ? Ceux qui ont, de près ou de loin, influencé, inspiré, mes écrits ?
Voici un autre de mes romans préférés…
LES HAUTS DE HURLEVENT de Emily Brönte
J’ai lu ce roman lorsque j’avais 16 ans. Jeune lectrice romantique, friande de toutes sortes de romans, y compris ceux où les héros vivent des amours passionnés, tumultueux, voire impossibles, je me suis plongée dans les landes sauvages et venteuses du Yorshire Moors, au Nord de l’Angleterre, et je n’ai pas été déçue du voyage. La jeune fille sensible, créative, rêveuse que j’étais l’a trouvé tout simplement fascinant. D’une force brute et sauvage comme le paysage magnifique et rude décrit si poétiquement par Emily Brönte. Il m’a, sans exagérer, marquée profondément à l’époque.
Je l’ai relu plusieurs fois depuis, avec le recul de la maturité et mon propre vécu comme bagage, et je dois dire que, si l’histoire, à présent, m’impacte d’une manière sensiblement différente, elle n’en demeure pas moins pour moi une magnifique et tragique histoire de deux âmes perdues, torturées, submergées par un amour si fort l’une pour l’autre qu’elles n’ont su comment y faire face, l’apprivoiser, le canaliser, pour mieux le partager ensuite, avant qu’il ne les détruise mutuellement.
Je vous présente mon vieil exemplaire du roman, que j'ai depuis mes 16 ans. C'était déjà une vieille édition, achetée chez un bouquiniste de livres d'occasion. La couverture est raffistolée de partout, et tient au reste par des bandes de scotch, mais les pages, elles, sont intactes. Si ce n'est qu'elles sont totalement jaunies par les années. Comme on peut le voir ci-contre et ci-dessous.
Regardez un peu la date juste au-dessus : 1957.
Ici, c'est la dernière page du livre. Voyez comme elle est jaunie par le temps !
Je ne voudrais me séparer de cet exemplaire pour rien au monde !
Je vous parle tout de suite du roman mais, avant, une courte biographie de l’écrivaine
Emily Brönte est une écrivaine anglaise née en 1818 dans le Yorshire, en Angleterre, et décédée d’une tuberculose à l’âge de 30 ans dans le même comté. Peu de temps après que son seul et emblématique roman soit publié. Les Hauts de Hurlevent a été publié en 1847 sous le pseudonyme d’Ellis Bell.
Emily est issue d’une famille de pasteurs très cultivée. Elle est le cinquième enfant d’une fratrie de 6. Ses deux sœurs aînées étant décédées très jeunes, Emily est élevée parmi ses deux autres sœurs, Charlotte et Anne, de qui elle est très proche, et son frère, Branwell.
La littérature a une grande place au sein de toute la famille, la bibliothèque familiale regorge de classiques anglais et étrangers, auxquels, bien sûr, Emily aura un droit d’accès illimité. Elle sera éduquée par son pasteur irlandais de père (sa mère étant morte alors
qu’elle était très jeune), à l’égal de ses sœurs et de son frère.
Ce sera à leur plus jeune âge que Charlotte, Anne et elle, commenceront à écrire de la poésie. Elles trouveront dans la littérature et l’écriture une sorte d’échappatoire, de consolation, à la rigueur d’une vie des plus austères, voire pénibles, dans le fin fond d’une province reculée ; les enfants Brönte y vivant quasiment en reclus. Elles créeront ensemble un recueil de poèmes qu’elles publieront sous les pseudonymes masculins : Ellis, Currer et Acton Bell.
Le recueil ne sera pas très bien accueilli par la critique. Ce qui n’empêchera pas Emily, (ou ses sœurs d’ailleurs) de poursuivre l’écriture et de se consacrer à ses propres écrits. Ainsi va naître Les Hauts de Hurlevent ; roman dont les critiques seront mitigées à sa sortie.
En effet, le caractère obscur, cruel et violent de l’histoire, ainsi que sa complexité, les tient divisées ; les critiques sont aussi bien négatives que positives. Ce qui, toutefois, ne l’a pas empêché de devenir un classique, un chef-d’œuvre, de la littérature anglaise pour ses personnages complexes et ambivalents et la force émotionnelle qui s’en dégage.
La mort précoce de sa mère et de ses sœurs a eu un impact certain, une influence, sur l’œuvre d’Emily (ainsi que sur celles de ses sœurs), profondément marquée par ces tragédies. Mais il faut tout de même savoir que dans le domaine de l’amour, des relations sentimentales... Emily Brönte était totalement inexpérimentée ; elle a tout imaginé. Ce qui la rend d’autant plus exceptionnelle à mon humble avis. Ce n’est pas pour rien, encore selon moi, qu’elle est considérée de nos jours comme l’une des plus grandes écrivaines anglaises de son siècle. Et ce, aussi bien pour sa prose lyrique et poétique, que pour sa représentation de la violence et de la passion dans les relations humaines.
LES HAUTS DE HURLEVENT, le roman
Extrait 1, tiré du roman
« … Elle s’élança vers lui, le prit par les deux mains et le conduisit vers Linton ; puis elle saisit les mains de Linton et, malgré lui, le força de prendre celles de Heathcliff. A présent que le feu et les bougies éclairaient en plein celui-ci, j’étais encore plus stupéfaite de sa transformation que je ne l’avais été tout d’abord. C’était maintenant un homme d’une grande stature, bien bâti, taillé en athlète, auprès duquel mon maître paraissait grêle et avait l’air d’un adolescent. Sa façon de se tenir droit suggérait l’idée qu’il avait été dans l’armée. L’expression et la décision de ses traits lui composaient un visage plus vieux que celui de Mr Linton, et qui respirait l’intelligence sans conserver trace de sa dégradation passée. Pourtant, sous ses sourcils abaissés et dans ses yeux pleins d’un feu sombre se dissimulait une férocité à demi sauvage, mais maîtrisée. Ses manières étaient même dignes, tout à fait
dépourvues de rudesse, bien que trop sévères pour être gracieuses. La surprise de mon maître égala ou dépassa la mienne. Il resta une minute à se demander comment il s’adresserait au garçon de charrue, comme il l’appelait. Heathcliff lâcha sa main délicate et le regarda froidement jusqu’à ce qu’il se décidât à parler.
— Asseyez-vous, monsieur, dit-il enfin. Mrs Linton, en souvenir du temps jadis, a désiré que je vous fisse un accueil cordial ; et naturellement je suis heureux de tout ce qui peut lui être agréable.
— Et moi aussi, répondit Heathcliff, particulièrement se c’est quelque chose où j’ai une part. Je resterai volontiers une heure ou deux.
Il s’assit en face de Catherine, qui tenait les yeux fixés sur lui ; elle semblait craindre qu’il ne disparût si elle les détournait un instant. Lui ne leva pas souvent les yeux sur elle. Un rapide regard de temps à autre suffisait ; mais ce regard reflétait, chaque fois avec plus d’assurance, le délice dissimulé qu’il buvait dans le sien. Ils étaient trop absorbés dans leur joie mutuelle pour se sentir embarrassés. Il n’en était pas de même pour Mr Edgard : il pâlissait de contrariété. Ce sentiment atteignit le comble quand sa femme se leva et, s’approchant de Heathcliff, lui saisit de nouveau les mains, en riant d’un air égaré.
— Demain, je m’imaginerai avoir rêvé, s’écria-t-elle. Je ne pourrai pas croire que je vous ai vu, que je vous ai touché, que je vous ai parlé encore une fois. Et pourtant, cruel Heathcliff, vous ne méritez pas cet accueil. Rester trois ans absent, sans donner signe de vie, et sans jamais penser à moi !
— Un peu plus que vous n’avez pensé à moi, murmura-t-il. J’ai appris votre mariage, Cathy, il n’y a pas longtemps. Pendant que j’attendais en bas, dans la cour, je méditais ce projet : entrevoir simplement votre visage, recevoir en retour un regard de surprise, peut-être, et de plaisir affecté ; puis régler mon compte avec Hindley, et enfin prévenir la loi en me faisant justice moi-même. Votre accueil m’a fait sortir ces idées de l’esprit ; mais prenez garde de ne pas me recevoir d’un autre air la prochaine fois ! Non, vous ne me chasserez plus. Vous étiez réellement inquiète pour moi, n’est-ce pas ? Eh bien, il y avait de quoi. J’ai mené un dur combat dans la vie, depuis le jour que j’ai cessé d’entendre votre voix ; il faut me pardonner, car c’est uniquement pour vous que je luttais !... »
*
Le roman et ses personnages
L’intrigue se déroule sur plusieurs décennies et est pleine de retournements de situation, de drame et de passion. Elle raconte l’histoire d’amour tragique entre Heathcliff et Catherine, deux jeunes gens élevés ensemble dans la campagne désolée et rude du Nord de l’Angleterre : les Yorshire Moors. Le récit contient plusieurs couches de narration et est principalement raconté par Mme Dean, la domestique de la famille. La relation compliquée qu’entretiennent Heathcliff et Catherine, et l’impact manifeste des deux protagonistes sur les autres personnages, sont au cœur même du roman.
De nombreux thèmes, très pertinents encore aujourd’hui, sont abordés dans ce roman : l’amour, la vengeance, la dualité, la passion, la cruauté, la jalousie, le statut social et les conflits entre classes, la condition féminine,
l’héritage, la religion, le combat entre les attentes sociales et les désirs individuels... Le tout dans un cadre sombre, montagneux et sauvage, battu par le vent.
Les propres conflits émotionnels et sociaux des personnages, menés dans une maison sinistre, hantée par les fantômes du passé, sont à l’image même de cette nature imprévisible, d’où découlent de fréquentes et violentes tempêtes ; ces landes rudes du Yorshire, inhospitalières et abandonnées, comme elles sont décrites par l’auteure d’une manière très poétique.
Le personnage d’Heathcliff est particulièrement complexe et ambigu. Sombre, mystérieux et tourmenté, il est hanté par son amour pour Catherine et obsédé par la vengeance. Il a d’ailleurs du mal à dissocier sa souffrance et sa douleur, de l’amour qu’il éprouve pour elle et de son désir de vengeance.
Il est décrit comme un personnage cruel, vindicatif et violent, mais également comme un homme passionné et intense. Son comportement destructeur et cruel pouvant cependant être interprété comme étant un bouclier à toute la douleur subie tout au long de sa vie.
Heathcliff tombe amoureux de Catherine, qui l’aime en retour, mais elle décide de se marier avec Edgar Linton, un jeune homme qui fait partie de la haute-société, qui peut lui offrir une vie confortable et faste et qui vit non loin
de là, dans une superbe et élégante maison, Thrushcross Grange. Demeure en total contraste avec Les Hauts de Hurlevent : propriété lugubre perchée sur le haut d’une colline isolée. La dissemblance entre les deux maisons souligne d’autant plus les différences sociales entre les personnages et les tensions existant entre deux mondes totalement opposés.
Blessé au plus profond de son âme, brisé, Heathcliff n’aura de cesse de se venger et de détruire tous ceux qui l’ont blessé. Ce qui le perdra à son tour. Néanmoins, et il n’y aurait pas de dualité sinon, ce personnage est aussi capable de montrer de la tendresse, de la loyauté, envers ceux qu’il aime. Notamment envers Catherine, et, plus tard, envers sa fille, Cathy.
On peut donc dire qu’Heathcliff est l’archétype même du anti-héros. Un tel personnage, pour l’époque victorienne, sortait totalement des sentiers battus. Dont la quasi-totalité des protagonistes des romans rentraient tous dans un identique et unique moule façonné par les conformités et conventions sociales.
Beaucoup voient en lui un personnage romantique torturé, d’autres un personnage impitoyable empreint de cruauté. Ce qui est sûr toutefois, c’est que Heathcliff restera le personnage tragique le plus fascinant et le plus marquant de la littérature anglaise.
Le personnage de Catherine Earnshaw est également central dans le roman. Elle est présentée comme une jeune fille sauvage et indépendante, au caractère complexe et ambivalent, tiraillée entre son amour pour Heathcliff et le besoin de se conformer aux normes en s’unissant à un membre de la haute-société. Ce qu’elle fera donc en épousant Edgar.
Toujours très éprise d’Heathcliff, ce choix la torturera toute sa vie.
Catherine est un personnage tragique, et fascinant à la fois, dont les décisions amènent à des conséquences désastreuses et destructrices. Pour elle, comme pour les autres personnages du roman, dont Heathcliff. C’est une femme passionnée, capable de montrer ses émotions avec force sans faire cas des retombées ; elle vit entre deux mondes, d’où sa grande confusion.
Ce personnage représente, sans nul doute, le conflit entre les désirs individuels et les tensions entre classes. Elle est l’un des personnages féminins les plus mémorables de la littérature anglaise.
Pour résumer cet article
Le roman, Les Hauts de Hurlevent, peut être qualifié de nombreux adjectifs en raison de la richesse des thèmes évoqués : obscur, passionnant, captivant, psychologique, émotionnel, intense, me viennent tout de suite à l’esprit. Mais il en existe d’autres, que vous trouverez vous-même en vous plongeant dans ses pages.
En gros, un roman fascinant, qui explore habilement, et dans un style lyrique, les émotions les plus enfouies et sombres de l’âme humaine.
*
Extrait 2, tiré du roman
« …— Lui, tout à fait abandonné ! Nous séparer ! s’écria-t-elle avec indignation. Qui nous séparerait, je vous prie ? Celui-là aurait le sort de Milon de Crotone ! Aussi longtemps que je vivrai, Hélène, aucun mortel n’y parviendra. Tous les Linton de la terre pourraient être anéantis avant que je consente à abandonner Heathcliff. Oh ! ce n’est pas ce que j’entends… ce n’est pas ce que je veux dire ! Je ne voudrais pas devenir Mrs Linton à ce prix-là. Il sera pour moi tout ce qu’il a toujours été. Edgar devra se défaire de son antipathie et le tolérer tout au moins. Il le fera, quand il connaîtra mes vrais sentiments pour Heathcliff. Nelly, je le vois maintenant, vous me considérez comme une misérable égoïste. Mais n’avez-vous jamais eu la pensée que, si Heathcliff et moi nous mariions, nous serions des mendiants ? Tandis que, si j’épouse Linton, je puis aider Heathcliff à se relever et le soustraire au pouvoir de mon frère.
— Avec l’argent de votre mari, Miss Catherine ? Vous ne le trouverez pas aussi souple que vous y comptez. Bien que ce ne soit guère à moi d’en juger, il me semble que c’est le plus mauvais motif que vous ayez encore allégué pour devenir la femme du jeune Linton.
— Pas du tout, c’est le meilleur ! Les autres n’intéressaient que la satisfaction de mes caprices et aussi celle d’Edgar. Mais celui-là intéresse quelqu’un qui réunit en sa personne tout ce que je ressens pour Edgar et pour moi-même. C’est une chose que je ne puis exprimer. Mais sûrement vous avez, comme tout le monde, une vague idée qu’il y a, qu’il doit y avoir en dehors de vous une existence qui est encore vôtre. A quoi servirait que j’eusse été créée, si j’étais tout entière contenue dans ce que vous voyez ici ? Mes grandes souffrances dans ce monde ont été les souffrances de Heathcliff, je les ai toutes guettées et ressenties dès leur origine. Ma grande raison de vivre, c’est lui. Si tout le reste périssait et que lui demeurât, je continuerais d’exister ; mais si tout le reste demeurait et que lui fût anéanti, l’univers me deviendrait
complètement étranger, je n’aurais plus l’air d’en faire partie. Mon amour pour Linton est comme le feuillage dans les bois : le temps le transformera, je le sais bien, comme l’hiver transforme les arbres. Mon amour pour Heathcliff ressemble aux rochers immuables qui sont en dessous : source de peu de joie apparente, mais nécessité. Nelly, je suis Heathcliff ! Il est toujours, toujours dans mon esprit ; non comme un plaisir, pas plus que je ne suis toujours un plaisir pour moi-même, mais comme mon propre être. Ainsi, et…
Elle s’arrêta et se cacha le visage dans les plis de ma robe. Mais je la repoussai violemment. Sa folie avait mis ma patience à bout… »
J’espère que cet article, consacré à l’un de mes romans classiques préférés, vous a plu et vous a donné envie de découvrir ce roman fascinant. Un roman que je vous recommande à mille pour cent.
Pour les amateurs de romantisme et d'émotions fortes, plongez-vous dans les pages de Les Hauts de Hurlevent, vous ne serez pas déçus !
Bien à vous,
L. Carmen
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